L’évasion et la fraude fiscales constituent l’un des principaux thèmes abordés ces dernières années lors des G7/G20 et au sein de l’UE. Ces thématiques sont inscrites au sein des programmes de François Hollande, de David Cameron mais aussi, quelque peu ironiquement, du Président de la Commission européenne et ancien Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker. Dans l’actualité récente, des articles impliquant Google, McDonalds, de même que les LuxLeaks, SwissLeaks ou les Panama Papers, ont tous fait de la fiscalité un sujet à la une des journaux.
Ce contexte a généré deux tendances:
- Un mouvement de réforme des règles fiscales internationales, suscitant un effort d’analyse du phénomène et un consensus d’une ampleur inégalée au sein de l’OCDE et de l’UE.
- Un climat grandissant de défiance à l’égard des grandes entreprises multinationales.
Le débat sur l’évasion fiscale et ce climat de défiance en particulier ont été plus houleux au Royaume-Uni. C’est en partie dû au nombre de multinationales basées dans le pays, et en partie dû à la pression exercée par les militants pro-transparence et les médias britanniques. La dernière étude de l’Institute of Business Ethics montre que l’évasion fiscale des entreprises constitue le premier enjeu déontologique aux yeux de l’opinion, pour la troisième année consécutive.
A la suite de récents contrôles fiscaux, une poignée de grandes entreprises s’est retrouvée contrainte de payer des taxes supplémentaires à l’administration fiscale britannique. Dans le cas de Google, ce redressement a donné lieu à un intense débat public sur la question de savoir si l’administration avait collecté suffisamment d’impôts supplémentaires. Toutes les grandes compagnies anglaises se retrouvent désormais à exercer leurs activités dans un climat de défiance. Et le phénomène touche aussi celles dont il a été prouvé qu’elles n’enfreignent aucune loi.
A la suite de récents contrôles fiscaux, une poignée de grandes entreprises s’est retrouvée contrainte de payer des taxes supplémentaires à l’administration fiscale britannique. Dans le cas de Google, ce redressement a donné lieu à un intense débat public sur la question de savoir si l’administration avait collecté suffisamment d’impôts supplémentaires. Toutes les grandes compagnies anglaises se retrouvent désormais à exercer leurs activités dans un climat de défiance. Et le phénomène touche aussi celles dont il a été prouvé qu’elles n’enfreignent aucune loi.

Aujourd’hui, ce mouvement s’étend à la France.
Le gouvernement français est lui-même en passe d’adopter une approche beaucoup
plus pro active dans la lutte contre l’évasion fiscale des grandes entreprises.
Les grandes entreprises
françaises vont-elles bientôt être soumises à une pression comparable ?
En janvier 2016, les médias ont rapporté que
l’administration fiscale française avait découvert plus de 38 000 comptes
français réfugiés dans la banque suisse UBS, cachant un total de 12 milliards
d’euros d’actifs.
Sur son blog hébergé par Le Monde, le célèbre économiste
Thomas Piketty a relayé en mars dernier un rapport réalisé par Oxfam France, le CCFD-Terre Solidaire et le Secours
Catholique-Caritas France, suggérant que les banques françaises réaliseraient
un tiers de leurs profits dans des « paradis fiscaux ».
Le mois dernier, l’administration fiscale a
lancé un raid dans les locaux de Google à Paris, dans le cadre d’une enquête
fiscale qui aurait permis d’engranger 1,6 milliard d’euros. Il a également été dit
que McDonalds serait en train d’être poursuivi pour 300 millions d’euros
d’impôts impayés en France.
Et la semaine dernière, une nouvelle annonce est
venue faire date. Le service d’hôtellerie en ligne bookings.com a révélé à la Securities
and Exchange Commission (SEC), l’agence fédérale américaine de régulation des
marchés financiers, qu’elle avait reçu en décembre 2015 un avis d’imposition français
d’un montant de 356 millions d’euros, au titre de l’impôt sur les sociétés et
de la TVA. Bookings.com affirme être en règle et prévoit de contester le redressement
fiscal, mais en attendant, c’est encore un nouveau conflit sous le feu des
projecteurs.
La France a pris note des critiques adressées
au gouvernement britannique à la suite de son règlement à l’amiable, d’un
montant de 130 millions de livres, conclu avec Google. Certains ont suggéré qu’il
s’agissait pour le gouvernement britannique d’ un mauvais accord. Le Ministre des
Finances Michel Sapin a ainsi déclaré qu’il n’allait pas « conclure
d’accords comme les Britanniques » et qu’il allait suivre la loi à la
lettre. « Nous irons jusqu’au bout ». Il a également affirmé qu’il
« pourrait y avoir d’autres cas » qui inquièteront d’autres
multinationales.
Qu’est-ce que cela laisse
présager pour les grandes entreprises françaises ?
J’ai discuté de cette question avec Bernard
Miyet*, ancien Secrétaire général adjoint aux Nations Unies, dont la carrière
est à la croisée du monde de l’entreprise et de la sphère politique française.
« C’est à l’évidence un sujet brûlant sur le plan politique et cela va
devenir un enjeu beaucoup plus important pour les entreprises françaises à
l’avenir », m’a-t-il déclaré.
Alors à quoi doivent s’attendre les
multinationales françaises ?
- Elles peuvent s’attendre à être désormais soumises au même type de surveillance dont les multinationales anglaises et américaines font actuellement l’objet. Cela peut passer par des obligations légales de transparence fiscale, en France ou ailleurs. Les nouvelles règles britanniques sur la publication des stratégies fiscales, par exemple, s’appliquent tout autant aux entreprises non-britanniques qui réalisent de nombreuses opérations au Royaume-Uni. Bien entendu, elles concerneront ainsi plusieurs grandes entreprises françaises.
- Les entreprises françaises doivent commencer à informer leurs conseils d’administration des défis auxquelles elles devront probablement faire face, défis qui sont parfois le fruit de stratégies fiscales délibérément mise en place par le passé. Ce qui pouvait être encore considéré comme acceptable il y a quelques années sera surement l’objet d’attaques dans le nouvel environnement actuel.
- Par ailleurs, les entreprises françaises peuvent tirer des leçons de l’expérience anglaise. Les entreprises britanniques sont de plus en plus conscientes du fait qu’elles ont besoin de mieux aborder la question de l’imposition. Les entreprises doivent être capables de faire valoir leurs points de vue. Si elles ne le font pas, le danger est que quelqu’un d’autre le fasse à leur place.
Ce qui est absolument certain, c’est que le
débat sur l’évasion fiscale ne va pas aller en s’amenuisant. Le gouvernement français
veut être perçu comme adoptant une politique ferme. Piketty voit dans le
reporting pays par pays « un outil indispensable de transparence
financière et démocratique ». Manifestement son message vise les
entreprises françaises.
Les grandes entreprises françaises doivent désormais
avoir à l’esprit ces problématiques. Il ne s’agit plus simplement de sujets de
préoccupation pour les seuls grands groupes anglais et américains, mais un enjeu
pour toutes les grandes entreprises quelles qu’elles soient.
*Bernard Miyet est aujourd’hui senior advisor à
gplus Europe
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